Isaïe 11, 1-11
A l’époque d’Isaïe, la situation géopolitique est difficile, voire menaçante. D’abord pour le Royaume d’Israël (Nord) qui prochainement tombera sous la domination assyrienne, mais aussi pour le petit royaume de Juda (Sud). C’est dans ce contexte que le prophète s’exprime publiquement.
S’il arrive que les prophètes, parlant au nom de Dieu, dénoncent avec vigueur tout ce qui s’écarte du projet divin, cherchant à secouer et réveiller les consciences, ils n’abandonnent jamais leur auditoire à l’inquiétude ou au désespoir. Ils veillent toujours à annoncer des jours meilleurs.
Ce que fait précisément Isaïe dans le passage qui nous occupe : dans un avenir qui n’est pas précisé, il annonce un roi, descendant de David, dont le règne sera tout différent, plus conforme au désir du Seigneur.
« Sur lui reposera l’Esprit/Souffle du Seigneur ». Telle sera la différence et l’absolue nouveauté. Et les signes de cet accueil du Souffle de Dieu seront le respect de la justice, càd. des jugements prononcés en connaissance de cause et en vérité, et l’attention aux pauvres et aux exclus, càd. l’inclusion plutôt que la marginalisation. Promesse menue, comme un rameau, très fragile aussi, mais ouvrant à l’Espérance.
Comme quand « l’Esprit/Souffle de Dieu planait sur les eaux » (Gn 01,02) …
A nouveau la vision est grandiose. D’abord parce qu’elle dépasse les frontières d’Israël : ce qu’il s’y passe, constitue un signe donnant envie aux autres peuples de faire de même. Ensuite parce qu’elle inclut la création tout entière, hommes et bêtes.
Impossible dès lors de lire ce passage sans penser à un autre passage biblique, le tout début du livre de la Genèse. Au ‘commencement’, alors que le monde était ‘tohu-bohu’ – chaos indescriptible -, la présence du Souffle de Dieu et de sa Parole allait permettre à chaque élément de l’univers, à chaque personne, d’y trouver sa juste place. A lire ce passage d’Isaïe, on se prend donc à rêver d’un monde nouveau, qui soit l’aube d’un autre ‘commencement’ selon le cœur de Dieu.
En Jésus, un tournant décisif …
Des siècles plus tard, un autre prophète, Jean-Baptiste, reprendra la prophétie d’Isaïe, annonçant la venue imminente d’un plus fort que lui, qui baptisera dans l’Esprit/Souffle du Seigneur (Mt 03,11). Et lorsqu’un certain Jésus de Nazareth se présentera à lui pour être baptisé, il sera donné à Jean-Baptiste de voir l’Esprit/le Souffle saint venir reposer sur lui et le désigner comme le Fils bien-aimé en qui le Seigneur a mis tout son amour (Mt 03,16), donnant ainsi à la promesse d’Isaïe son plein accomplissement.
L’œuvre du Souffle saint en nous.
Quelle est l’action du Souffle saint en nous ? Notre passage en énumère plusieurs facettes, intimement liées entre elles. Dans la Bible, la sagesse, avant d’être philosophique, est d’abord la manière très concrète de conduire sa vie d’une façon qui fasse sens : le Souffle saint nous conduit sur ce chemin. D’abord en aidant au discernement, cette capacité de repérer ce qui va dans le sens du bon et du bien, dans le sens de la vie et d’un bonheur partagé. De Lui, nous recevons encore conseil, la capacité de choisir ce qui nous tire vers le haut et nous fait grandir, mais aussi force, car Il soutient notre marche, nous aidant à tenir dans la durée, quoi qu’il puisse nous en coûter. Il nous permet enfin d’approfondir la connaissance du Seigneur, Le découvrant comme un Dieu de Vie, qui a souci de l’humain et de l’humanité et de sa création – et nous donnant l’envie d’avoir à Son égard un profond respect
Utopie hors de notre portée ?
Ce tableau idyllique a de quoi nous faire rêver. Surtout aujourd’hui où tant de valeurs semblent menacées. Serait-ce hors d’atteinte ? Non, je ne le pense pas. Car tous et toutes, nous sommes invités à être ce rameau fragile. Tous et toutes, nous pouvons apporter notre contribution à cette humanité nouvelle où l’homme ne sera plus un loup pour l’homme, où l’attention et l’action se porteront vers les plus fragiles et les plus vulnérables, où le souci de l’humain aura la priorité.
A chacun de nous, en effet, le Souffle saint a été donné : cela est attesté dans bien des sacrements, notamment ceux du baptême et de la confirmation. Oui, assurément, Il est donné, mais est-Il accueilli ? Sans notre accueil, sans notre contribution, Il s’avère impuissant, comme emprisonné et paralysé.
« Seigneur, fais de nous des ouvriers de paix.
Seigneur, fais de nous des bâtisseurs d’amour. »
