Christ Roi de l’Univers…
J’ai un peu de mal, je l’avoue, avec cette fête instituée tardivement, en 1925, par Pie XI. Jésus, Roi ? Vraiment ? Comment comprendre cette affirmation ?
« Le Règne de Dieu s’est approché. »
Pour Jésus, le seul vrai roi, c’est Dieu ! Et le cœur de son message, c’est le Règne, le Royaume, la Royauté de ce Dieu qu’il ose appeler Père. ‘Le Règne de Dieu s’est approché’. (Mc 01,15) : voilà l’Heureuse Nouvelle qu’il proclame dès le début de sa mission et que ses paraboles nous font découvrir (Mt 13). Quand il initie ses disciples à la prière, il les invite à demander : ‘que ton Règne vienne’ (Lc 11,01-04). Jésus, en effet, s’est toujours défendu de voler la vedette à son Père. Ainsi, après la multiplication des pains, quand on veut s’emparer de lui pour le faire roi, il se retire dans la montagne, seul, pour prier (Jn 06,15).
C’est seulement dans le récit de la passion que les évangiles évoquent une royauté de Jésus, à trois reprises. Le présenter comme roi apparaît d’abord comme un subtile prétexte des autorités juives pour le faire condamner par le pouvoir romain : en effet, se prétendre roi, c’était s’opposer au pouvoir de Rome et à l’empereur (Lc 23,01-03). C’est ensuite une manière d’humilier ce condamné, de se moquer de lui en l’affublant d’une couronne d’épines et d’un manteau pourpre (Mc 15,16-20). Enfin, il y a l’écriteau placé sur la croix qui précise en ces termes le motif da sa condamnation (Lc 23,38).
La royauté de Jésus
Si Jésus a proclamé la royauté de son Père, s’il ne s’est jamais lui-même présenté comme roi, il a bel et bien contribué à faire advenir le Règne de Dieu, à nous le rendre plus proche. Ce faisant, il a en quelque sorte exercé la royauté au nom de Celui-ci. Une royauté qui – il le précisera à Pilate – n’est pas ‘selon ce monde’ (Jn 19,36). Il l’a fait en rappelant envers et contre tout le primat de l’amour du prochain, en prenant soin des malades, en libérant les possédés des esclavages qui les tenaient captifs, en se refusant à condamner qui que ce soit, mais – au contraire – en attestant que le pardon de Dieu est donné à qui est prêt à l’accueillir.
C’est exactement ce qu’Israël attendait de ses rois : qu’ils soient proches des gens, car « nous sommes de tes os et de ta chair » ; et que, tel un ‘berger’, ils les conduisent au nom de Dieu et selon son projet (2 Sam 05,01-03), assurant paix et sécurité à l’intérieur du territoire comme aux frontières, veillant à ce que personne ne manque de l’essentiel, à ce que justice soit rendue, etc…
Contemplons Jésus crucifié, à l’agonie.
Ainsi Jésus a-t-il vécu, jour après jour, durant le temps si bref de sa mission. Et ce jusqu’à son dernier souffle. Là éclate sa royauté comme royauté du cœur. En témoignent ses trois dernières paroles. A qui les adresse-t-il ? Remarquons-le d’abord : il ne prend pas la peine de répondre à ceux qui, se moquant de lui, le provoquent : « Sauve-toi, toi-même ! » Jamais, en effet, il n’avait cherché à sauver sa peau ; en revanche, en payant de sa personne, il avait toujours été attentif à offrir largement une Vie qui avait saveur d’éternité, ce qu’on appelle le ‘salut’.
Ses dernières paroles sont pour son Père et pour le brigand repenti, crucifié à ses côtés. A son Père, il demande de pardonner à ses bourreaux – il faut le faire !!! –, puis s’abandonne avec confiance entre ses mains (Lc 23,34 et 46). A l’égard du ‘bon larron’, Jésus se montre tout aussi touchant et sublime. Rassemblant ses dernières forces, il se veut attentif à sa prière « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » et ne la laisse pas sans réponse : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis ». Quelle tendresse ! Quelle noblesse ! Quelle royauté ! Celles du cœur …
Dans sa réponse, – cela vaut la peine d’être remarqué – Jésus ne fait aucune allusion à ce qui serait ‘son royaume’ ; il évoque le ‘paradis’, ce lieu de beauté et délices où Dieu, à la brise du soir, se promène, à la recherche de l’homme (Gn 03,08). Par ailleurs, il ne promet rien pour un futur lointain, mais pour ‘aujourd’hui’. Superbe promesse qui fait dire à Bossuet : « Aujourd’hui, quelle promptitude ! Avec moi, quelle compagnie ! Dans le paradis, quel séjour ! »
Inscrire nos vies dans les pas d’un tel roi …
De par notre baptême, nous sommes constitués en un peuple de prêtres, de rois et de prophètes. Comme Jésus, ce roi crucifié, apprenons à renoncer à ‘sauver d’abord notre peau’, ouvrons les yeux et les oreilles, les mains, nos cœurs surtout, pour accueillir les blessés de la vie et les personnes en détresse que nous croisons. Offrons-leur un peu de cette Vie que nous-mêmes, nous avons reçue de lui. Alors, nous serons en vérité les disciples de l’homme de Nazareth
