Un sanctuaire de Dieu

Un sanctuaire de Dieu

Le moins que l’on puisse dire, c’est que, dans le chef de Jésus, nous ne sommes pas habitués à des prises de position aussi musclées que celle ici racontée. Pourquoi cet accès de colère ? Quel message pouvons-nous retirer de cette page d’évangile, tout comme de l’extrait de la lettre que Paul adresse aux chrétiens de Corinthe. On peut, me semble-t-il, distinguer plusieurs niveaux de sens.

Dieu est gratuit !

Pour les Juifs, le Temple est LE lieu saint pas excellence, signe de la présence du Très-Haut parmi les siens. Il s’agit d’un vaste ensemble, avec différents espaces ; on y accède par l’esplanade où l’on trouve tous les commerces en lien avec les sacrifices ; puis se succèdent trois parvis avec une gradation dans leur caractère sacré : d’abord celui des étrangers qui partagent la foi juive, puis celui des femmes et des enfants, ensuite celui des hommes ; viennent enfin l’espace saint où évoluent prêtres et lévites et le Saint des saints où seul le grand-être pénètre une fois par an.
Comme tout Juif pieux, Jésus monte au Temple avec ses disciples pour célébrer la pâque juive. A son arrivée, il est choqué, outré à la vue de ces commerces défigurant ce lieu de la rencontre avec Dieu, et il s’insurge. Pourquoi ce coup de sang ?
Si le Temple est bien signe de la Présence de Dieu parmi les siens, selon Jésus cette Présence est gratuite, elle est cadeau, non monnayable : il convient tout simplement de s’y ouvrir, de l’accueillir. Finis donc les petits commerces et les marchandages que nous pouvons avoir avec son Père pour ‘acheter’ en quelque sorte ses bienfaits : pardon, guérison, réussite, salut, … Dieu est gratuit, absolument gratuit. Premier niveau de sens.

Jésus, Présence de Dieu parmi nous.

Mais les autorités religieuses juives n’en resteront pas là ; elles viennent interroger Jésus, lui demandant ce qui l’autorisait à poser cet acte prophétique. Sa réponse permet de percevoir un deuxième niveau de sens.
Jésus, nous le savons, s’est découvert habité par la Présence divine ; il en a une conscience si vive que, souvent, il se retire dans la solitude, pour s’y ouvrir et l’accueillir. Il a aussi compris qu’à travers lui, cette Présence pourrait rayonner et s’offrir, gratuitement, à tout un chacun : telle serait sa mission.
Ses disciples, eux, mettront du temps à entrer dans ce mystère. Ils ne le découvriront pleinement qu’à la faveur de leurs rencontres avec Jésus ressuscité : leur Maître leur apparaîtra alors comme Présence indestructible de Dieu parmi eux, Présence dont même la mort n’aura eu pas raison. La personne de Jésus devenait ainsi le lieu de la Présence agissante de Dieu, le nouveau Temple en quelque sorte.
Aujourd’hui, ne sommes-nous pas aussi appelés, à la suite de Jésus et de ses disciples, à percevoir cette Présence – toujours discrète, mais bien réelle – au plus intime de nous-même, comme en toute personne que nous rencontrons ? « Tout homme est une histoire sacrée, l’homme est à l’image de Dieu. »
Dès lors, pourquoi vouloir confiner Dieu, Le reléguer dans un lieu, aussi sacré soit-il ? Ceci vaut non seulement pour les temples – celui de Jérusalem comme tous les autres de par le monde – mais aussi pour les synagogues, pour nos églises et nos chapelles, les mosquées, etc.

Un sanctuaire de Dieu

« Vous êtes une maison que Dieu construit, (…) un sanctuaire de Dieu. » Troisième niveau de sens dans le passage de la lettre aux chrétiens de Corinthe : S. Paul y prolonge le message de Jésus d’une autre façon encore. En effet, l’apôtre s’adresse à une communauté de foi. Pour lui, toute communauté de disciples est un sanctuaire de Dieu, habité par son Souffle. C’était déjà ce que Jésus avait donné à entendre : « Quand deux ou trois se trouvent rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20). Ainsi en va-t-il de la communauté de foi qu’est notre Unité Pastorale : elle est, elle aussi, un sanctuaire de Dieu, une maison que Dieu construit.
Il est bon de nous en souvenir lorsque nous nous retrouvons pour l’eucharistie ou pour un temps de prière communautaire : l’assemblée est alors une forme de la ‘présence réelle’ de Dieu. Il en est de même pour la mission et le témoignage : nous sommes invités à être présence de Dieu parmi les hommes par la qualité de présence et d’amour dont nous rayonnons. Il en sera ainsi à la mesure de notre ouverture au Souffle de Dieu.