Isaïe 7, 10-16
Un peu d’histoire ….
A la mort du roi Salomon (921 ACN), ses fils ne sont pas entendus concernant la succession. Cela a finalement conduit au partage de son royaume : le royaume d’Israël (au Nord) et le royaume de Juda (au Sud). Ce partage n’a pas aplani les tensions. Au temps du prophète Isaïe (VIIIème siècle ACN), elles demeurent vives. Le petit royaume de Juda se trouve, en effet, menacé par celui d’Israël, appuyé par la Syrie
Dans ce contexte, le Seigneur – par la voix de son prophète – cherche à rassurer le roi Achaz en lui suggérant de Lui demander un signe. Le signe qui, finalement, sera donné, laisse les biblistes perplexes à plus d’un égard. Notamment quant à l’identité de l’enfant annoncé. Selon l’hypothèse la plus probable, il s’agirait d’Ezéchias, le fils aîné d’Achaz, qui fut un grand roi réformateur.
Demander un signe ?
Demander un signe, n’est-ce pas mettre le Seigneur à l’épreuve, lui demander de confirmer son soutien, sa présence ? C’est ce que pense le roi Achaz, en conformité avec un passage du Deutéronome (Dt 06,16). Mais ici, c’est le Seigneur lui-même qui, par la voix de son prophète, suggère à Achaz de Lui demander un signe. Dès lors pourquoi hésiter à le faire, et même le refuser carrément ? Aucune raison !
La question demeure néanmoins importante et délicate ! Quelques éléments de réflexion à partir du N.T.
Pensons à Zacharie : quand l’ange Gabriel lui annonce qu’Elisabeth et lui, déjà bien avancés en âge, vont avoir un enfant, Zacharie n’en croit pas ses oreilles. Nouvelle tellement inouïe que Zacharie, tout prêtre qu’il est, demande un signe. Cette mise en doute de la promesse du Seigneur lui vaudra de demeurer muet durant les neuf mois de la grossesse de sa femme ! (Lc 01,05-25).
Lorsque le même ange Gabriel annonce à Marie qu’elle aura bientôt un fils, celle-ci se hasarde à poser une question et elle, à la différence de Zacharie, reçoit une réponse. Etrange, non ! Pourquoi ? Parce que Marie ne demande pas un signe de confirmation, elle cherche à comprendre : « Comment cela va-t-il se faire ? » (Lc 01,26-38). La nuance est importante : croire, c’est d’abord et avant tout faire confiance au Seigneur, le croire sur parole. Mais, comme il nous a dotés d’intelligence, il n’est pas interdit de chercher à comprendre ; c’est même vivement recommandé !
Autre aspect de la problématique des signes. Des signes nous sont donnés. Et même en abondance (Jn 20,30-31), mais ils sont rarement éclatants. Les percevoir requiert attention et déchiffrement. Or, certains ne les perçoivent pas, d’autres n’arrivent pas à les déchiffrer. Pour le quatrième évangile, les miracles (‘choses étonnantes’) réalisés par Jésus et les guérisons effectuées par ses soins sont des ‘signes’ (Jn 02,11). Aucunement des preuves ! La ‘preuve ‘ (!) en est que certains n’arrivant pas à les déchiffrer, les rejettent : tels des scribes et des pharisiens (Lc 11,14-20). Et même parfois les disciples, ce qui laissera Jésus perplexe (Mc 08,14) …
Pas de réponse univoque donc. Tout dépend de l’intention de qui demande un signe. En demander comme soutien parce que l’on se sent faible, fragile : pourquoi pas ? Jésus encourage la prière de demande (Lc 11,09-13). En revanche, en demander par manque de confiance dans le Seigneur, cela ne passe pas.
En tout état de cause, dans nos existences, apprenons à percevoir et à décrypter les signes donnés par le Seigneur. Accueillons-les avec joie et reconnaissance !
Un signe dérisoire
Un signe dérisoire, fragile, à attendre avec confiance.
Le signe donné à Achaz a de quoi surprendre, tant il est fragile : la naissance imminente d’un fils ! Qu’est-ce que, dans l’immédiat, un enfant peut changer à la situation de ces deux peuples qui sont comme des frères ennemis, toujours prêts à s’entredéchirer ? Rien, si ce n’est avant bien longtemps : le temps de sa gestation, puis de son éducation …
Cet enfant doit en effet apprendre à ‘choisir le bien et rejeter le mal’. Echo à un texte magnifique du Deutéronome (30,15-20) : « J’ai placé devant toi la Vie et la Mort, la bénédiction et la malédiction, le bonheur et le malheur. (…) De grâce, de grâce, choisis la Vie ! ».
Tâche quotidienne pour chacun et chacune de nous : dans des circonstances toujours nouvelles, discerner le chemin de la Vie et nous y engager résolument !
Emmanuel
‘Emmanuel’ – ‘Dieu avec nous’ pour toujours !
L’évangéliste Matthieu voit dans la naissance de Jésus la réalisation de l’ancienne promesse faite à Achaz : il le note explicitement en conclusion du récit de l’annonciation à Joseph : « La jeune fille concevra, et elle enfantera un fils : on l’appellera du nom d’Emmanuel » (Mt 01,22-23). Et cet évangile, qui s’ouvrait avec cette heureuse nouvelle d’un ‘Dieu avec nous’, se conclut de la même manière : en Jésus ressuscité, Dieu demeure l’Emmanuel : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).
Nous ne sommes pas seuls sur le chemin de la vraie Vie : le Seigneur, en la présence de Jésus Ressuscité, est et demeure pour toujours à nos côtés. Et même ‘en nous’ : voilà un des aspects de la fête de Noël : notre cœur est en quelque sorte la crèche dans laquelle il désire naître et grandir.
Très belle fête de la Nativité à chacune et chacun de nous !
