Une fois encore, Jésus nous invite à réfléchir à notre vie de prière. A l’aide d’une parabole, il attire notre attention sur une possible contrefaçon de la prière. Cette parabole est propre à Luc, comme l’était celle du juge inique et de la veuve.
Un pharisien et un publicain.
Notre parabole met en scène deux personnages, un pharisien et un publicain qui se trouvent dans le temple à prier. Les pharisiens constituent un groupe religieux soucieux de vivre à fond leur religion. Ils s’efforcent en effet de respecter les 613 recommandations de la Torah: parmi celles-ci, 248 recommandations positives (« tu feras … ») et 365 négatives (« tu ne feras pas … ») ; on les rencontre à la synagogue chaque sabbat et à Jérusalem lors des trois fêtes de pèlerinage (Pâque, Pentecôte, fête des Tentes). Mais cette préoccupation, poussée à l’extrême, les conduit à se couper de leurs semblables qu’ils regardent un peu de haut et évitent de fréquenter. Le mot ‘pharisien’ veut d’ailleurs dire ‘séparé’.
Quant aux publicains, ils constituent une catégorie socio-professionnelle : ce sont les collecteurs d’impôts. Ils sont plutôt mal vus, car ils perçoivent l’impôt pour l’occupant romain et peu appréciés, car il leur arrive de s’enrichir sur le dos des contribuables. Pensez à Zachée (Lc 19,01-10).
La prière du pharisien.
Le pharisien semble s’adresser à Dieu, mais en réalité – selon la lettre même du texte grec – « il prie vers lui-même ». Dans sa prière, rien qui soit vraiment tourné vers Dieu ; il ne paraît pas avoir besoin de Lui car, par lui-même, il parvient à mener une vie parfaite. Sa prière n’est qu’une autosatisfaction déguisée en action de grâce : ‘justification par les œuvres ou par la Loi’, écrira S. Paul. Ce pharisien ne se soucie pas davantage d’autrui. Au contraire, il s’en démarque, ‘s’en sépare’ explicitement, notamment de ce publicain, dans un jugement sans appel. Du risque de se comparer à autrui dans la vie spirituelle.
Prière pervertie que celle du pharisien – et, par moment, du pharisien qui sommeille en nous – car elle n’est que comparaison et brevet de satisfaction qui le coupe d’autrui. Mais le risque inverse peut aussi guetter la prière : se comparer à autrui peut conduire à se dévaloriser – « je suis nul » -, à ressasser faux pas et erreurs, à se discréditer et s’auto-flageller jusqu’à s’enfoncer dans une culpabilité malsaine. Prenons-y aussi garde !
La prière du publicain.
Le publicain, lui, ne tombe pas dans ce second travers : il n’énumère pas ses ratés, ses fautes. En revanche, conscient de sa pauvreté et ses faiblesses, il s’adresse vraiment à Dieu : il L’appelle au secours, implorant Sa force et Son pardon – « Montre-Toi favorable au pécheur que je suis ». ‘Justification par la foi-confiance’, écrira S. Paul. Une parabole qui est évangile, ‘heureuse nouvelle’. Pourquoi Jésus s’adresse-t-il ainsi à « certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres » ? Pour leur faire des reproches, les condamner, les monter du doigt ? Bien sûr que non ! Ce n’est pas son style ! Quelle est alors son intention ? Il veut les inviter à réfléchir : à jeter un autre regard sur Dieu d’abord et ensuite à chercher ce qui fait sens dans nos vies et leur donne de s’accomplir. Le Père dont parle Jésus, n’attend pas que nous nous tenions toujours sur la pointe des pieds pour parvenir à nous élever jusqu’à Lui ; c’est Lui, notre Dieu, qui fait le chemin inverse, Lui qui vient jusqu’à nous pour nous accompagner dans notre marche, nous éclairer par sa
Parole, nous nourrir dans l’Eucharistie.
Comment dès lors prier avec justesse ?
En nous tenant en vérité et en grande simplicité devant Dieu, comme le publicain. En revoyant notre journée à la lumière de l’amour reçu, partagé ou refusé. En cherchant humblement et patiemment comment progresser sur ce chemin. Bien conscient de la difficulté de prier ainsi, S. Paul, dans la lettre qu’il adresse aux chrétiens de Rome (Rm 08,26-27), leur conseille de s’ouvrir au Souffle Saint, de Le laisser les guider dans la prière et les conduire jour après jour : « Tous ceux qui se laissent conduire par le Souffle de Dieu, ceux-là sont vraiment ses fils » (Rm 08,14). Ces conseils, faisons-les nôtres et « ouvrons nos cœurs au Souffle de Dieu » !
