Persévérer…

Persévérer…

L’importance de la prière dans l’évangile selon Luc.

L’évangile selon saint Luc donne une place importante à la prière. Il va même jusqu’à nous souffler les mots de la prière. Ainsi avec les cinq cantiques qui jalonnent son évangile de l’enfance (Lc 01 et 02). Lors de la visitation, la surprise d’Elisabeth se transforme en chant de bénédiction (01,42-43), aussitôt suivi par le Magnificat entonné par Marie ((01,46-55). Lors de la naissance de son fils Jean, Zacharie entonne lui aussi un psaume de bénédiction (01,68-79) ; et, à la naissance de Jésus, ce sont les anges dans le ciel qui louent Dieu (02,14). Cette série se termine avec le cantique du vieillard Syméon, si heureux d’avoir tenu dans ses bras le Sauveur (02,29-32). Autant d’explosions de joie et de reconnaissance qui montent vers Dieu. !

Mais, à côté de ces cantiques où explose la joie, le troisième évangile donne une grande place à la prière de demande. L’avez-vous remarqué : presque toutes les guérisons réalisées par Jésus sont précédées par un appel au secours, une prière adressée au Seigneur : ainsi le cri des malades eux-mêmes – tel celui des dix lépreux (Lc 17,11-19) – ou l’intercession de quelqu’un de son entourage du malade – ainsi Jaïre en faveur de la guérison de sa fille (Lc 08,40-56).

La prière de demande fait parfois difficulté …

Pourtant, de nos jours, la prière de demande n’a pas toujours bonne presse. Comment l’expliquer ? Evoquons quelques-unes des objections les plus couramment entendues.

Certains disent : « Inutile d’adresser à Dieu nos prières de demande : Lui qui nous a façonnés, qui nous aime tels que nous sommes, Il sait parfaitement, et peut-être mieux que nous, ce dont nous avons besoin. Alors pourquoi le Lui demander ? Ne serait-ce pas faire pression sur Lui ? »

D’autres objectent que, derrière la prière de demande, se cache l’image d’un Dieu ‘Touring Secours’, avec le risque de réduire notre relation avec Lui à nos besoins. Et ils ajoutent : « Ne serait-ce pas à nous de trouver et apporter les solutions aux difficultés rencontrées, les nôtres ou celles d’autrui ? »

D’autres encore disent : « Dieu est-il vraiment le Tout-Puissant ? Regardez le mal qui prolifère, les cataclysmes ? Pourquoi n’intervient-il pas de façon efficace ? En outre, notre prière ne se heurte-t-elle pas – parfois ou trop souvent – à l’absence de Dieu ou, à tout le moins, à son silence. » Et, de fait, cela en décourage plus d’un !

Jésus a osé demander et même supplier.

Jésus sait l’importance et la fécondité de la prière de demande. Quotidiennement, il a fait sienne la prière des Psaumes ; formé à leur école, il sait que son Père peut tout entendre : nos cris de détresse, nos impatiences, nos questions, jusqu’à notre colère et à nos appels à la vengeance. Lui-même, à Gethsémani quelques heures avant le supplice de la croix, criera sa détresse, suppliant que s’éloigne la coupe de la passion (Lc 22, 42). Plus tard, il hurlera son sentiment d’être abandonné (Mc 15,35).

Le ‘Notre Père’, une prière qui nous bouscule…

Dans le troisième évangile, Jésus parle souvent de la prière de demande. Notamment à l’aide d’une autre parabole, celle de l’ami importun. Dans les conseils qui suivent (Lc 11,05-13), il invite à « demander, chercher, frapper », sans nous lasser, sûrs que nous serons entendus.

Mais, avant cela, répondant à la demande des disciples qui ne savent trop comment s’adresser à Dieu, Jésus leur propose le ‘Notre Père’ (Lc 11,01-04). Ce faisant, il nous donne les mots de la prière et, tout en même temps, nous déplace dans notre manière de prier. Avant de prier pour leurs besoins, il leur suggère de se soucier de Dieu : qu’il soit connu et reconnu, qu’advienne et grandisse son Règne, réalisant son projet de vie pour tout un chacun (= sa volonté). L’avions-nous remarqué ? En effet, nous pensons à prier pour nous-même, pour nos proches, mais pensons-nous à prier aussi pour Dieu, lui donnant même la priorité ? C’est précisément ce à quoi Jésus nous invite. C’est ainsi que lui-même priera à Gethsémani : « Non pas ma volonté, mon désir, mais le tien » (Lc 22,42). Du reste, n’est-ce pas dans ce cadre que nos demandes personnelles sont invitées à s’inscrire ?

Les bienfaits de la prière de demande.

Mais quels sont les bienfaits de la prière qui se risque – comme le fait la veuve de la parabole – à appeler à l’aide avec insistance, à demander encore et encore ? J’en pointe trois.

Elle nous permet d’abord de creuser notre propre désir, de le purifier, de l’élargir, de l’ajuster progressivement au vaste projet de Dieu. Oui, la prière persévérante a le pouvoir de creuser en nous, et en chacun, cet espace où Dieu peut se rendre présent et agissant. C’est que nombreuses peuvent être, en nous ou chez autrui, les résistances à la conversion du cœur.

Autre bénéfice de la prière de demande : nous décentrer de nous-même et nous rendre sensible à la détresse d’autrui. Nous le savons, ici-bas Dieu n’agit pas sans nous : la toute-puissance d’Amour qu’Il est, a besoin de l’amour que nous pouvons offrir, de notre concours, de nos idées, de notre temps et de nos engagements pour que se réalise son projet.

La prière de demande nous invite aussi à l’attention et à la relecture de vie : le Seigneur ne m’a peut-être pas exaucé comme je le Lui demandais, mais il a néanmoins « ouvert un passage » et rendu possibles, de façon inattendue, d’autres choses belles et bonnes. Prenons-en conscience et remercions-Le. Car c’est ainsi que l’espérance et la confiance, parfois très fragiles, peuvent se frayer un chemin dans nos cœurs.

Aujourd’hui, à travers la parabole du juge inique et de la veuve, Jésus nous presse de regarder la démarche de cette veuve et, comme elle, de durer dans la supplication : c’est que, selon lui, cela fait partie de la confiance fondamentale inhérente à notre foi.

Mais, en même temps, il se pose une question et nous la pose : « Quand le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Entendons-là et, quand vacillent confiance et espérance, une fois encore faisons nôtre la prière des apôtres : « Seigneur, augmente en nous la confiance de la foi ! » (Lc 17,05-06)